Le Blog d'Olivier Da Lage

Après l’Irak et l’Afghanistan, le Yémen ?

Posted in Moyen-Orient by odalage on 5 janvier 2010

À en croire le sénateur américain Joe Liberman, les États-Unis seraient bien inspirés de songer à une guerre préventive contre le Yémen. Cet ex-démocrate, qui a soutenu McCain contre Obama, vient d’effectuer une visite au Yémen, au terme de laquelle il a déclaré : « L’Irak, c’est notre guerre d’hier et l’Afghanistan notre guerre d’aujourd’hui. Si nous n’agissons pas rapidement, le Yémen sera notre guerre de demain ». Est-ce pour embarrasser l’actuelle administration ? Pas sûr. Car la secrétaire d’État Hillary Clinton, de passage au Qatar, tient un discours à peine moins martial : « Ce qui se passe dans cette région est le résultat d’une réaction en chaîne due à l’instabilité qui frappe les États voisins. Nous pouvons, évidemment, voir les implications globales de la guerre au Yémen et les efforts persistants d’Al Qaïda à utiliser ce pays comme base arrière pour des attaques terroristes au-delà de la région ».

Comme personne ne peut prétendre que la présence d’Al Qaïda au Yémen est une découverte récente, il faut bien envisager d’autres raisons. Tout se passe donc si, une fois de plus, les États-Unis se préparaient à enchainer d’un conflit sur un autre, chaque décennie offrant un nouveau « rogue state » à attaquer, sinon envahir.

Le terrain yéménite, il est vrai, présente beaucoup de similitudes avec l’Afghanistan ; pouvoir central faible soutenu par l’Occident, géographie montagneuse faite de nids d’aigle imprenables, société foncièrement tribale ou les armes, y compris lourdes, sont disponibles à foison, grande pauvreté, corruption généralisée et instabilité aux frontières qui se caractérisent par une grande perméabilité.

Mais les ressemblances ne vont guère plus loin.

A la différence de l’Afghanistan, le Yémen est un pays arabe, et non seulement musulman. C’est même le berceau historique des peuples arabes. Il est donc plus que vraisemblable qu’une intervention au Yémen aurait un retentissement autrement plus significatif dans l’ensemble du monde arabe que ce n’est le cas aujourd’hui avec l’Afghanistan. De plus, le Yémen a pour voisin les monarchies de la Péninsule arabique et à lui seul, compte pratiquement autant d’habitants que les six monarchies du Conseil de coopération du Golfe. Autant dire que les risques de débordement chez les monarchies pétrolières voisines ne sont pas un risque à prendre à la légère.

Bref, on a du mal à comprendre comment les objectifs qui n’ont pu être atteints en Afghanistan pourraient l’être au Yémen. Comme l’a dit avec un sens consommé de la diplomatie le ministre italien des Affaires étrangères Frattini : « Je ne crois pas qu’il soit opportun d’ouvrir un nouveau front militaire au Yémen ».

Ce serait en revanche une aubaine pour les adversaires ou rivaux de ces mêmes Occidentaux qui auraient bien tort de ne pas exploiter la situation. C’est sans nul doute ainsi que l’on voit les choses à Téhéran ou à Pékin.

Car comment ne pas voir que cette guerre perpétuelle, sans objectif affiché crédible et lisible, sans limite de temps ni d’espace, a pour inéluctable conséquence l’affaiblissement des puissances qui la conduisent ?

Olivier Da Lage

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2 Réponses

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  1. Annie said, on 31 octobre 2010 at 12:28

    En allant il y a 3 semaines au Yemen, j’ai eu un drôle de sentiment de gouvernement qui dénonçait lui même de l’Al Qaïda partout, y compris dans des querelles de clochers tribales, et de population qui en avait largement ras le bol d’être ainsi pointée du doigt par ses propres autorités. Oui, certaines portions du territoire jouent le rôle de base arrière, mais tout le pays n’est pas pro-djihadiste, loin de là.
    Et pendant qu’on parle d’Al Qaïda, on oublie de parler de problèmes de fond comme la corruption, le pouvoir faible mais autoritaire, la concurrence entre cultures vivrières et qat, la sécheresse, la pauvreté, et j’en passe de sévères,…

  2. Frédéric said, on 20 avril 2010 at 00:36

    Il y a d’autres déclarations d’officiels américains qui eux déclarent qu’ils ne faut pas mettre les pieds au Yemen, hors raids pour éliminer des responsables d’Al Queda.

    Les phrases plus haut ont était prononcé lors que la rebellion Sa’adiste s’était infiltré en Arabie Saoudite, et que celle ci, malgré les énormes stocks d’armement, à eu du mal à les faire rebrousser chemin ( au moins 133 morts Saoudiens en 3 mois de combat alors qu’ils se battaient sur leur propre territoire…)

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Insurrection_au_Saada

    Et des responsables américains ont à plusieurs reprises déclaré que contrairement aux déclarations du gvt Yéménite, il n’y a pas de preuves que l’Iran soutiennent les rebelles.


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